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Citoyen français, citoyen européen
La citoyenneté française est singulière mais se veut également de plus en plus liée au dessein européen. Qu’en est-il de cette identité européenne ? Voici quelques axes de réflexions :
L’identité européenne dans l’histoire
L’idée d’appartenance à un ensemble de pays date du Moyen Age. S’il n’était pas encore question d’Europe, il existait tout de même une identité commune sous le terme de Chrétienté. Ses pays se regroupaient en effet sous l’égide d’un même chef spirituel, le Pape, partageaient des valeurs communes (fêtes religieuses, mœurs, calendrier…) et communiquaient facilement grâce au latin.
La notion d’identité nationale n’apparaît qu’avec la Révolution française. Le sentiment d’appartenance à la nation française se développa rapidement, creusant le fossé avec les valeurs des autres pays et effaçant progressivement le sentiment européen. La division des nations atteignit son paroxysme au cours du vingtième siècle lors des guerres successives qui les opposèrent.
Ce n’est donc qu’après la seconde guerre mondiale que l’idée d’une Europe réapparut, essentiellement au travers des aspects économiques : l’Allemagne et la France décident de mettre en commun leurs productions de charbon et d’acier en avril 1951, la CEE (Communauté Economique Européenne) est fondée en mars 1957 et réunit la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. La Grande-Bretagne, le Danemark et l'Irlande les rejoignirent en 1973, la Grèce en 1981, l'Espagne et le Portugal en 1986 et enfin l'Autriche, la Finlande et la Suède en 1995.
Essentiellement économiques et stratégiques, ces regroupements touchaient peu les habitants des différents pays, dont le quotidien restait marqué par leurs habitudes nationales et aucun pont ne se construisant entre eux. Il fallut en effet attendre le 1er janvier 1999 et la création de l’Euro pour voir les habitants partager un ‘bien’ commun. La portée politique et psychologique de cet évènement fut considérable, notamment car il instituait un lien durable et stratégique entre les pays ‘contre’ le mastodonte américain.
Le sentiment d’identité européenne
Malgré la constitution de la monnaie européenne et la création d’un certains nombre d’institutions telles que le Conseil européen et le Parlement européen pour ne citer qu’eux, les politiques ne parvinrent pas à celer une véritable identité européenne.
Ce fut le sociologue allemand Ferdinand Tonnies, repris par Max Weber, qui en fournit les premières explications en établissant une distinction entre les concepts de ‘communauté’ et de ‘société’. La première est une forme d'association réglée par l'affectivité, un sentiment d'amitié ou de parenté entre ses membres. La seconde est un type d'association humaine, de groupement humain réglé par l'intérêt.
Alain Finkielkraut (philosophe) résuma le paradoxe de la situation européenne ainsi : «On réduit tout à l'intérêt et on veut que l'âme naisse de l'intérêt». André Frossard, également philosophe et académicien affirmait lui aussi : «L'Europe a de plus en plus de membres et de moins en moins d'âme. Elle en avait une autrefois qui s'appelait le christianisme et qui l'a protégée plus d'une fois du pire. Aujourd'hui, elle n'a plus ni âme ni pensée, elle a tout misé sur l'intérêt matériel, le profit. Si l'intérêt est en effet un agent de cohésion efficace quand les affaires vont bien, quand celles-ci vont mal il n'y a pas d'explosif plus puissant.»
Selon ces philosophes, ce type de rassemblement a un précédent : la culture d’entreprise. Finalement, nous en venons donc à nous interroger : l’Europe ne serait-elle pas un élargissement de la culture d’entreprise à l’échelle d’un continent plutôt que la construction d’une union de ses nations ?