Difficulté de lecture : 3 / 5
Cinéma et sociologie
Le cinéma, à la fois créatif et industriel, exerce une influence grandissante sur la société de par la multiplication de ses moyens de diffusion.
Une source d’étude
Le cinéma fut longtemps, pour les historiens, considéré comme une matière moins noble que celle de l’écrit et sur lequel ils rechignaient à travailler. Les films de ‘fiction’, de par leur caractère subjectif, furent investis par les psychologues et les psychanalystes avant que les linguistes tels Christian Metz élaborent la théorie du ‘signifiant filmique’ en référence aux études contemporaines sur le langage.
Le champ économique ne manque pas, lui non plus, de susciter des réflexions pertinentes quant au processus de création qui semble assujetti, du moins dans le cinéma américain, aux enjeux de la réussite financière des films : dans quelle mesure, en effet, les techniques d’effets spéciaux et les astuces marketing ne prennent-elles pas le dessus sur la pure création artistique afin d’attirer un plus grand nombre de spectateurs dans les salles.
La sociologie du cinéma s’intéresse, quant à elle, aux corrélations entre le contenu des films et les réalités sociales : en quoi sont-ils représentatifs de la manière dont les groupes sociaux se perçoivent et se vivent dans leur époque ?
Les niveaux d’analyse
Comme toute production artistique, la question de l’étude de l’art implique la nécessité de distinguer les œuvres majeures de celles qui n’en sont que des exemples. En matière de cinéma, il s’agit donc de différencier les films dits d’auteur qui expriment une certaine vision du monde et questionnent les rapports humains, des films réalisés dans le but de satisfaire au goût de la mode et des désirs du public.
L’étude des films se décrit à deux niveaux. Le premier porte sur le contenu explicite et fournit des données sur l’anecdote, la description des lieux ou encore la psychologie des personnages, le second plus complexe et implicite, décrit le rapport entre les lois de la création du film et celles de la société.
Par exemple, les productions cinématographiques allemandes ont permis à Siegfried Kracauer (journaliste qui développa une méthode analytique pour découvrir l'aspect caché du cinéma et de la photographie) d’y voir une indication « de la tendance atavique de la classe moyenne allemande à remettre son destin entres les mains d’un homme fort, et à abandonner son esprit critique ».
Dans cette même période des années vingt, d’autres films (ne traitant pas directement d’Hitler) témoignent d’une absence de frontière entre le réel et l’imaginaire et d’une disparition des repères qui caractérisait l’Allemagne. Ce second niveau peut ainsi offrir une explication de la démission de la société devant la domination d’Hitler du fait de cette perte de repère.
Un outil d’observation subjectif
Le cinéma en tant que moyen d’analyse de la société, se doit toutefois de conserver une approche critique. Nombreux sont en effet ceux qui le conçoivent comme un miroir reflétant la réalité de la société. Pourtant, comme toute production humaine, il est sujet à la subjectivité de son auteur : le cinéaste, comme tout à chacun, appartient à la société et a en donc une vision partielle et subjective.
Cette subjectivité n’enlève pas le caractère avant-gardiste de certains films tels ceux de Jean Luc Godard et Alain Resnais dans les années soixante qui ont transcris le désarroi des français face à l’intensification de la société de consommation, censée apportée le bonheur. D’autres films, tel que La Haine de Mathieu Kassovitz, n’eurent pas cette valeur anticipatrice mais firent date par la mise en relief brutale et vraisemblable d’une vérité sociale (ici celle du quotidien des jeunes de banlieues).