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Accepter de vieillir
La vieillesse, nous l’avons vu au travers des débats sur la retraite, est une question à la croisée des questions sociales, individuelles, politiques et psychiques.
Représentations sociales de la finitude
Courses effrénées à la jeunesse, éviction des seniors des entreprises, rejet des plus de 50 ans sur le marché du travail etc… toute notre société porte des représentations négatives sur la vieillesse physique et nie celle du psychisme.
Chacun redoute la vieillesse mais aspire à vivre le plus longtemps possible, tous espèrent mener une carrière des plus performantes mais refusent l’idée de perdre leurs acquis lors du passage à la retraite, ils souhaitent gravir les échelons de la société mais refusent d’entrer dans la catégorie des personnes d’âge mure… Et que dire de l’avènement de ces individus apparaissant sans âge, ou encore de la technologie qui ravive le mythe de l’éternelle jeunesse ?
Freud disait à ses 59 ans « Nous manifestons une nette tendance à mettre de côté la mort, à l’éliminer de notre vie. Nous essayons d’étouffer l’affaire […] Personne ne croit à l’éventualité de sa propre mort […]. Dans l’inconscient, tout le monde est convaincu d’être immortel ».
Comment, dés lors que nous avons tant de mal à concevoir notre propre mort, les personnes proches de la vieillesse ou (osons le dire) ‘vieilles’, peuvent-elles faire le deuil de leur jeunesse et de la toute puissance de leur vie d’adulte, alors même que toute la société semble s’organiser pour nier cette réalité ?
Prendre conscience de sa mort
Dans son étude sur le vieillissement, le psychanalyste Gérard Le Gouès affirme que la vieillesse psychique débute « au moment où le fantasme d’éternité rencontre une limite jusque là ignorée par la libido, lorsque ce fantasme est mis à mal par l’apparition d’un fléchissement durable ».
Alors que chaque étape de la vie se présente telle une rupture, entre un avant et un après une date précise (majorité, mariage, naissance etc…), la vieillesse s’insinue progressivement dans le psychisme, tel un passage à emprunter pour ‘accepter de vieillir’.
La vie n’est en effet qu’une succession d’étapes dans lesquelles une identité est à perdre pour que puisse advenir une autre : le nourrisson pour que l’enfant survienne, l’enfant pour que l’adolescent naisse, l’adolescent pour qu’arrive l’adulte, et finalement, l’adulte qui doit aussi être perdu pour qu’advienne le vieillard.
L’acceptation
La vieillesse, en tant que crise structurelle de l’évolution humaine, oppose déclin biologique, social et intellectuel, et aspiration naturelle à la vie. Elle se présente tel un deuil de soi, une perte de ses propres capacités et de ses propres acquis.
Ce deuil, comme tout ceux qui composent la vie, est une reviviscence de la perte première entre l’enfant et la mère. Mais, comme celle-ci, cette perte est fondatrice car elle permet de créer de nouvelles structurations psychiques internes, c'est-à-dire l’intégration de bons objets internes.
Pour accepter sa vieillesse, il semble donc que le sujet doive redéfinir ses rapports au temps, à l’espace, à la société, à l’argent, au travail etc…Si cette redéfinition entraîne obligatoirement des pertes, le travail psychique sera de trouver des ‘compensations’, des gains qui viendront en contrepartie des pertes : mûrir, se préserver, disposer de temps, voyager, être libre etc…