L’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur : un bouleversement silencieux

L’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille est souvent annoncée comme un moment de joie, un événement heureux. Pourtant, pour l’enfant déjà présent, cette naissance peut être vécue comme un tremblement de terre émotionnel. Le tout-petit, ou même l’enfant plus grand, sent que quelque chose change : dans le regard des parents, dans les gestes du quotidien, dans sa place dans la maison. Derrière les sourires attendus se cache souvent un mélange complexe de sentiments : jalousie, tristesse, excitation, inquiétude.
Une rupture dans le lien avec les parents
Avant l’arrivée du cadet, l’aîné occupe une place exclusive dans le regard parental. Avec la naissance d’un autre enfant, ce lien singulier se transforme. Même si l’amour des parents ne diminue pas, l’enfant peut ressentir une perte d’attention, une forme de mise à distance, difficile à comprendre et à nommer. Ce changement, souvent brutal, peut susciter un sentiment de délaissement, parfois traduit par des régressions, des colères ou un silence inhabituel.
Des émotions fortes, parfois interdites
On attend souvent de l’aîné qu’il soit content, curieux, protecteur. Mais il peut aussi ressentir de la jalousie, de la colère, voire de la haine envers ce petit être qui vient « prendre sa place ». Ces émotions sont normales, mais rarement autorisées ou accueillies. L’enfant apprend alors à les cacher… ou à les exprimer de manière détournée : oppositions, provocations, comportements inattendus. Ce qu’il a besoin d’entendre, c’est qu’il a le droit de ne pas être d’accord, de ne pas aimer tout de suite, sans que cela mette en cause son lien avec ses parents.
Une nouvelle position dans la famille
Avec l’arrivée du cadet, l’aîné devient soudain « le grand », un rôle qu’il n’a pas choisi. On lui demande d’être patient, de comprendre, d’aider. Ce changement de statut peut être vécu comme une pression ou une injustice, surtout s’il est encore petit lui-même. Il doit abandonner sa place de bébé sans préparation, sans avoir les outils pour comprendre ce qu’il ressent. Ce glissement peut laisser des traces dans la manière dont il se perçoit et se positionne au sein de la fratrie.
Construire un lien dans le temps
La relation entre frères et sœurs ne se décrète pas, elle se construit petit à petit. Si elle peut devenir source de complicité, elle passe souvent par des étapes de rivalité, de comparaison, de distance. L’accompagnement des parents est essentiel : ils peuvent aider à mettre des mots, à reconnaître les émotions de chacun, à éviter de figer les rôles (le gentil, le jaloux, le responsable…). Un lien fraternel apaisé n’exclut pas les conflits : il suppose surtout que chacun ait une place et un espace d’expression.
Grandir avec l’autre, sans s’effacer
L’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur change l’équilibre intérieur de l’enfant. Mais elle peut aussi devenir une occasion de croissance, si l’enfant est soutenu, écouté, reconnu dans ce qu’il vit. Il peut alors peu à peu intégrer que le lien n’efface pas l’amour reçu, qu’il est possible de partager sans perdre, d’aimer sans se trahir. Grandir avec l’autre devient alors un chemin d’enrichissement mutuel, à condition que chacun puisse être vu dans sa singularité.