Le fantasme de la mauvaise mère après l’IVG

Même lorsque l’avortement est un choix librement assumé, certaines femmes ressentent, malgré elles, un sentiment de culpabilité profond et irrationnel. Ce malaise intérieur ne relève pas uniquement de la pression sociale ou morale, mais s’ancre dans des représentations inconscientes liées au fantasme de la « mauvaise mère ». L’IVG vient parfois réveiller des images archaïques, où interrompre une grossesse est perçu, dans les zones les plus enfouies du psychisme, comme une transgression fondamentale.
La mère idéale : un mythe intériorisé dès l’enfance
Depuis les premiers liens affectifs, l’inconscient se construit autour de l’image d’une mère toute-puissante, nourricière et protectrice. Clara, 32 ans, après son IVG, confie avoir l’impression d’avoir « trahi quelque chose », sans pouvoir définir quoi. Ce ressenti naît souvent du décalage entre cette figure maternelle idéalisée, inscrite profondément dès l’enfance, et la réalité d’un choix qui va à l’encontre de cette représentation. L’IVG vient heurter cet idéal, même chez celles qui ne désirent pas d’enfant.
Le fantasme inconscient de destruction
Au niveau archaïque, interrompre une grossesse peut être fantasmé comme un acte destructeur, indépendamment de toute réflexion rationnelle. Sophie, 29 ans, dit avoir eu l’image fugace d’une « mère dangereuse » après son IVG, alors même qu’elle ne souhaitait pas cette maternité. Ce type de pensée intrusive révèle comment l’inconscient associe parfois l’avortement à une attaque contre la vie, ravivant des angoisses primitives de toute-puissance et de faute originelle.
La culpabilité archaïque : un héritage silencieux
Cette culpabilité n’est pas celle du droit ou de la morale sociale, mais une culpabilité archaïque, issue des premières expériences infantiles où le désir et l’interdit se confondaient. Julie, 35 ans, éprouve un sentiment diffus de « mauvais être » après son IVG, sans lien avec ses convictions. Ce malaise vient souvent d’un conflit psychique ancien : celui d’avoir osé choisir pour soi, au prix d’un fantasme de « faute » intériorisée.
Accueillir ces fantasmes sans les confondre avec la réalité
Face à ces émotions inconscientes, il est essentiel de distinguer le fantasme archaïque de la réalité du choix. Nier ces ressentis ne fait que renforcer la culpabilité silencieuse. Les reconnaître comme des constructions psychiques héritées permet de s’en libérer progressivement. L’IVG n’est pas un acte de « mauvaise mère », mais l’inconscient, lui, convoque des images qui dépassent la volonté consciente. C’est en mettant en mots ces conflits intérieurs que la paix psychique peut s’installer.