Est-on encore un couple si l’on ne fait plus l’amour ?

Dans l’imaginaire collectif, la sexualité est un pilier du couple, parfois même son critère de légitimité. Quand elle disparaît, la question surgit : que reste-t-il de l’amour ? Peut-on encore se dire “en couple” si le désir s’est éteint, ou s’il ne s’exprime plus dans le corps ? Est-ce une fin silencieuse, une transformation du lien, ou un autre mode de présence ? Derrière cette interrogation se cache une peur profonde : celle que le couple, sans sexualité, perde son sens.
L’équation couple = sexualité est-elle si évidente ?
Dans notre culture, la sexualité est considérée comme le socle différenciant du couple par rapport à l’amitié. Mais ce modèle n’intègre pas la complexité des liens affectifs réels. De nombreux couples traversent des périodes, longues ou non, sans sexualité. Ce retrait peut être subi, accepté, contourné ou simplement non questionné. Il ne dit pas forcément l’absence d’amour ; il dit souvent un déplacement du désir, une fatigue du lien, ou un besoin d’autre chose.
Le silence du corps peut-il être habité ?
L’absence de sexualité ne signifie pas toujours une absence de lien. Il est possible de continuer à s’aimer sans se toucher, ou en se touchant autrement. Certains couples développent une tendresse profonde, une intimité silencieuse, un compagnonnage apaisé. Mais cela suppose d’avoir traversé le deuil d’une certaine image du couple. Celui qui ne s’adosse plus à la norme du désir permanent, mais à la qualité d’une présence partagée.
Un symptôme, ou un nouvel équilibre ?
Quand la sexualité disparaît, elle peut être le symptôme d’un malaise plus large. Mais elle peut aussi être le résultat d’un réajustement du lien, conscient ou non. Il faut alors interroger ce silence : est-il chargé de non-dits, de frustration, d’évitement ? Ou est-il au contraire un nouvel espace, choisi, où d’autres formes de lien peuvent se vivre ? Tout dépend du regard posé dessus, et surtout, de ce que chacun en vit.
Le désir n’est pas toujours sexuel
L’erreur serait de réduire le désir à l’acte. Le désir peut circuler autrement : dans une parole, un regard, une complicité, une absence de contrainte. Certains couples trouvent leur équilibre dans une forme de chasteté active, choisie, libérée de la performance ou de l’obligation. Cela ne signifie pas une absence de désir, mais une redéfinition de ce qui est vécu comme érotique, vivant, intense.
Conclusion : un couple sans sexe n’est pas un non-couple
Un couple qui ne fait plus l’amour n’a pas nécessairement cessé d’exister. Ce n’est pas l’acte qui fait le lien, mais la manière dont le lien continue à être habité. Ce silence peut être vécu comme un vide, ou comme un apaisement. Il peut dire un retrait, ou une fidélité différente. Ce qui importe n’est pas ce que les autres y voient, mais ce que chacun y vit. Le couple ne disparaît pas sans sexualité ; il change de langage.