La rivalité entre sœurs, de l’enfance à l’âge adulte

Entre sœurs, le lien est souvent chargé d’intensité, de proximité, mais aussi de tensions silencieuses. L’image d’une relation complice, tendre et naturelle est largement véhiculée. Pourtant, dans la réalité, la rivalité peut s’inviter très tôt, se transformer avec le temps, et parfois persister à l’âge adulte. Compétition, jalousie, comparaison, non-dits : autant de dynamiques qui traversent ce lien sororal, souvent ambivalent, parfois douloureux, toujours structurant.
Une proximité imposée dès l’enfance
Les sœurs partagent souvent la même chambre, les mêmes jouets, les mêmes vêtements, les mêmes repères éducatifs. Cette promiscuité, si elle peut renforcer le lien, peut aussi accentuer les comparaisons et les tensions. La question de l’amour parental — « Qui est la préférée ? » — est souvent au cœur de la rivalité, même si elle n’est jamais exprimée. Très tôt, chacune cherche à exister à sa façon, à se différencier, ou au contraire à imiter pour être reconnue.
Une rivalité souvent invisibilisée
La société attend des sœurs qu’elles s’entendent, qu’elles s’aident, qu’elles soient douces entre elles. Cela rend souvent la rivalité difficile à reconnaître et à nommer. Là où les conflits entre frères sont socialement tolérés, voire banalisés, ceux entre sœurs peuvent être niés ou culpabilisés. Résultat : les tensions s’expriment de manière plus souterraine, dans des gestes passifs-agressifs, des silences prolongés, des critiques déguisées. Le conflit se glisse dans les détails du quotidien, sans faire de bruit apparent.
L’adolescence : un moment de cristallisation
À l’adolescence, les différences entre sœurs se creusent. Le regard sur le corps, la séduction, la réussite scolaire ou sociale devient un terrain sensible de comparaison. Certaines sœurs s’affrontent ouvertement, d’autres prennent leurs distances ou se figent dans des rôles complémentaires : la sage, la rebelle ; la discrète, la brillante ; la fragile, la forte. Cette répartition peut rassurer… mais aussi enfermer durablement. Ce qui n’a pas pu être mis en mots dans la jeunesse risque de se rejouer dans l’âge adulte.
Quand la rivalité persiste à l’âge adulte
On croit parfois que les conflits s’effaceront avec le temps. Mais la rivalité non résolue peut se réactiver à des moments clés : mariage, maternité, réussite professionnelle, deuil des parents… Ces étapes ravivent les comparaisons, les blessures anciennes, les différenciations mal digérées. Certaines sœurs restent liées mais à distance, d’autres s’éloignent sans en parler, d’autres encore vivent une ambivalence pesante, entre affection réelle et ressentiment latent.
Sortir des rôles figés, retrouver le lien
Il est possible d’apaiser une rivalité entre sœurs, même ancienne. Cela suppose de reconnaître ce qui a été vécu, de mettre en lumière les places occupées dans la famille, les blessures accumulées, les attentes jamais formulées. Ce travail peut se faire seule, dans un cadre thérapeutique, ou à travers un échange authentique. Se libérer de la rivalité, ce n’est pas forcément renouer à tout prix : c’est retrouver une parole plus libre, une image de soi moins dépendante du regard de l’autre, et parfois ouvrir un espace nouveau pour une relation transformée.