Psychologie

Après un traumatisme, le temps semble suspendu. La chronologie intérieure est bouleversée, les repères vacillent, et la parole se fige. L’événement surgit comme un point de rupture dans le récit de soi, une fracture dans la continuité psychique. Reconstruire son histoire après un traumatisme n’est pas une simple remise en ordre du passé : c’est un travail de subjectivation profond, parfois long, parfois douloureux, mais essentiel pour retrouver une place vivante dans sa propre existence. La psychothérapie analytique, comme d’autres approches thérapeutiques, propose d’écouter ce qui ne peut pas encore se dire… pour permettre peu à peu une mise en récit.

Le traumatisme : une effraction dans la trame du sujet

Un traumatisme psychique est plus qu’un événement choquant : c’est un excès de vécu que le psychisme ne parvient pas à symboliser. Il déborde les capacités de mise en sens, s’impose dans le corps ou dans des flashbacks, revient en boucle sans pouvoir s’inscrire dans une narration. La personne peut alors se sentir déconnectée de sa propre histoire, comme si un avant et un après coexistaient sans lien. Ce qui a été vécu n’a pas de mots, et le silence du sujet devient le reflet d’un effondrement intérieur.

Quand le récit se déchire, le symptôme parle

En l’absence de récit, le psychisme cherche d’autres voies pour exprimer ce qui n’a pas pu être mis en mots. Anxiété, cauchemars, troubles somatiques, blocages relationnels… Le symptôme devient un langage du corps ou du comportement, qui répète, rejoue, ou tente de figer l’insupportable. Pour la psychanalyse, ces manifestations ne sont pas absurdes : elles constituent une tentative d’élaboration psychique, bien que douloureuse. Le travail thérapeutique vise alors non pas à effacer le symptôme, mais à le traduire, le relier, lui redonner une place dans l’histoire du sujet.

La parole comme outil de reconstruction

Reconstruire son récit de vie, ce n’est pas nier le traumatisme, ni l’embellir : c’est retrouver un fil narratif qui intègre la cassure sans en être prisonnier. La parole, dans un cadre sécurisé, permet au sujet de reprendre possession de ce qui lui est arrivé, non plus comme objet passif, mais comme sujet capable de dire, de penser, de mettre à distance. Ce travail n’est pas immédiat. Il demande du temps, de la confiance, un espace où le sujet peut vaciller sans être jugé. Peu à peu, le trauma cesse d’être une énigme figée pour devenir une partie intégrée de l’histoire de vie.

Du vécu subi à l’histoire choisie

Il ne s’agit pas de réécrire le passé, mais d’en faire quelque chose. Le récit de soi est une création vivante, évolutive, dans laquelle le sujet peut réinscrire l’événement traumatique sans qu’il en devienne le centre absolu. Cela suppose de faire des liens, d’identifier les effets du trauma, mais aussi ce qui a résisté, ce qui s’est transformé. Cette mise en récit ouvre la possibilité de retrouver un sentiment de continuité intérieure, de redevenir auteur de sa propre trajectoire — même cabossée, même marquée.

Une histoire habitée, pas figée

À la fin du processus, le traumatisme n’est pas oublié, ni totalement dépassé. Mais il cesse d’être un trou noir, un non-lieu psychique, pour devenir un chapitre parmi d’autres — difficile, mais racontable. La cure analytique ne promet pas d’effacer la douleur, mais de transformer l’irreprésentable en représentable, l’insupportable en narrable. Créer son histoire après un trauma, c’est reconquérir une place dans le temps, dans le langage, dans le lien à l’Autre. C’est faire advenir un sujet là où il n’y avait plus que silence ou chaos.

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