Le sexe par texto (sexto)

L’avènement des téléphones portables depuis l’an 2000 a profondément modifié les relations. Il est devenu le messager de nos sentiments puis plus récemment de notre sexualité. Support des discussions, il s’est transformé en une machine à produire des messages, de plus en plus brefs, de plus en plus spécifiquement rédigés : les textos.
 

Il y a peu, le sms le plus fréquemment envoyé en France était : "je t’m", abréviation phonétique d’une déclaration séculaire. Le texto serait le convoyeur de nos sentiments et de notre affection. Il présente pour ce faire plusieurs avantages. Rédigeable dans n'importe quelles circonstances, il satisfait l'aspiration contemporaine à l'immédiateté. De plus, en contournant la parole, il permet aux timides de dépasser la crainte du bégaiement. Il évite la situation de face à face et autorise donc à plus de laisser aller voire à plus de témérité. Le rétrocontrôle du regard et des mots du partenaire de la communication se trouve limité voire annulé. 

Il permet à son émetteur d'exprimer son excitation, mais ne tient pas vraiment compte de la réaction de celui qui le reçoit. Il vide ainsi la communication de la tension normale qui se manifeste à parler d'affects et de sexualité. Ainsi, si les demandes d'entrée en relations par texto sont courantes, les ruptures le sont tout autant. Elles laissent les quittés avec l'amère sensation de ne pas avoir pu vivre leur rupture, d'être privés d'humanité, de langage.
 

Très vite cette immédiateté du sms a servi l'instantanéité de la pulsion. Désormais, quand une idée coquine traverse les esprits, il n'est pas rare de la voir transcrite en texto. La possibilité des mms qui s'accompagnent de photos ou de vidéos a plus encore réveillé les libidos. Très rapidement, la sexualité qui fait feu de tout bois à su intégrer cet outil à son expression.

En effet, en faisant irruption dans l'univers du destinataire, ce message ne pouvait que jouir d'un investissement particulier. A l'instar d'autres artifices érotiques, il est pensé comme un booster voire un préambule à la montée du désir. Il a la valeur d'une image érotique et imprime la psyché. Sa remise n'est pas choisie par celui qui le reçoit, au contraire du coup de fil qui peut être laissé sans réponse. Il peut donc intervenir à un moment inadéquat (réunion, entretien, …). Ce décalage d'état entre celui qui l'envoie et celui qui le réceptionne ne pouvait que le révéler dans sa dimension érotique. En effet, il répond au fantasme courant d'une disponibilité sexuelle dans l'ici et maintenant.
 

Dès lors, les échanges osés de messages ont commencé à fleurir. Ils impliquent beaucoup moins que d'avoir à dévoiler ses désirs par la parole. Rapidement, une certaine surenchère sexuelle s'est emparée de ce type de communications. Silencieuse, cette communication peut avoir lieu dans un environnement inapproprié à l'expression de la sexualité (entreprise, centre commercial, …). Echangés rapidement, les textos permettent de faire monter le désir de part et d'autre de la communication. Ils devraient donc promettre des retrouvailles érotiques et l'avènement d'une sexualité plus directe fondée sur la réalisation des scènes sexuelles imaginées sur les claviers.
 

Pour autant c'est souvent le contraire qui se produit. En effet, si le désir sexuel apprécie les fantasmes décrits dans les messages, le passage à l'acte reste conditionné à la rencontre de l'autre. En favorisant une présentation de soi qui fait fi de notre pudeur et de nos principes, les sms proposent une image très distante de notre réalité. Ainsi, au moment de concrétiser, il n'est pas rare que le ou la plus enflammé(e) des correspondant(e)s s'avère beaucoup plus conventionnel(le).

En vérité, l'érotisme par sms révèle la difficulté que nous avons à mettre en mots nos désirs sexuels. Pourtant, c'est en face de l'autre qu'il s'agit de se positionner clairement dans le rapport et de dévoiler nos attentes. Si les textos permettent une érotisation du quotidien, ils n'annulent pas le travail que nous avons à faire pour formaliser dans le réel et dans les actes nos besoins et fantasmes. Au contraire, ils pourraient même traduire notre propension à vouloir contrôler nos expériences sexuelles. Mais définir trop précisément l'évènement à venir c'est souvent l'empêcher d'advenir réellement. En effet, le plaisir pris à l'échange de textos éclipsera souvent celui de l'acte qui est beaucoup plus compliqué à obtenir puisqu'il est la résultante d'une alchimie et d'une négociation dont personne ne peut présager l'issue.