Avortement : comprendre le sentiment de honte

Dans les sociétés où l’avortement est légal et reconnu comme un droit, on pourrait penser que cette décision médicale s’accompagne d’une libération psychique totale. Pourtant, de nombreuses personnes confrontées à l’IVG témoignent d’un sentiment diffus de honte, même lorsqu’elles sont convaincues d’avoir fait un choix juste pour elles. Cette émotion ne relève pas seulement du regard social ou moral ; elle plonge ses racines dans l’inconscient, là où se croisent les notions de perte, de transgression et d’identité féminine.
La honte, une empreinte silencieuse au-delà du discours rationnel
Même dans un cadre bienveillant, le vécu de l’avortement réactive des zones archaïques où le sentiment de faute s’impose sans raison consciente. Clara, 29 ans, affirme ne pas regretter son choix mais confie « se sentir sale » sans pouvoir l’expliquer. Cette honte surgit comme le témoin d’un conflit psychique entre l’affirmation d’une liberté et l’empreinte inconsciente de représentations culturelles ou infantiles liées à la maternité idéalisée.
Le corps, lieu de la transgression intériorisée
L’avortement, même choisi, laisse parfois une trace corporelle vécue comme une marque invisible de ce qui a été interrompu. Sophie, 34 ans, évoque une difficulté à « regarder son ventre » après l’intervention. Ce rapport au corps altéré traduit une intériorisation de l’acte comme une transgression, non pas au sens moral extérieur, mais au regard d’un imaginaire où le corps féminin serait avant tout associé à la protection et à la fécondité.
Entre perte réelle et fantasme d’une « faute »
Si l’avortement est médicalement encadré, il reste pour l’inconscient une expérience de perte, souvent non reconnue comme telle. Cette perte peut s’accompagner d’un sentiment de culpabilité flou, où la honte s’insinue comme défense face à l’impossible élaboration du deuil. Julie, 25 ans, décrit une impression de devoir « se faire pardonner », sans que personne ne le lui ait suggéré. La honte devient alors le masque d’une douleur psychique non dite.
Accueillir la honte sans l’alimenter
Plutôt que de nier ce sentiment sous prétexte d’un discours libérateur, il est essentiel de reconnaître que la honte post-avortement peut être une étape transitoire d’élaboration psychique. Offrir un espace d’écoute, sans jugement ni minimisation, permet de transformer cette émotion en une parole libératrice. Car ce n’est pas l’avortement en soi qui génère la honte, mais le silence autour de ce que cet acte réveille dans l’histoire intime et l’inconscient.