Existe-t’il un syndrome du petit dernier ?

Le « petit dernier », ce n’est pas qu’un ordre dans la fratrie. C’est un statut symbolique, souvent associé à des images bien ancrées : l’enfant choyé, protégé, parfois moins responsabilisé… mais aussi celui qui arrive dans une famille déjà façonnée, qui doit se faire une place entre admiration, comparaison et attentes ambivalentes. Ce rôle peut influencer durablement la manière dont l’enfant se perçoit, se positionne, se développe. Alors, existe-t-il vraiment un « syndrome du petit dernier » ? Pas au sens médical, mais il est certain que cette place n’est jamais neutre.
Un statut chargé de projections
Le petit dernier naît dans une famille qui a déjà une histoire. Les parents ne sont plus les mêmes qu’à l’arrivée du premier enfant : ils ont vieilli, appris, parfois renoncé. Cette évolution transforme la manière d’accueillir l’enfant, souvent avec plus de souplesse, mais aussi plus d’idéalisation ou de relâchement. Le petit dernier peut ainsi être vu comme celui qui vient « terminer » quelque chose, clore un cycle. Il est parfois le plus attendu… ou celui qui arrive « en plus ».
Choyé ou surprotégé ?
La place de dernier est souvent associée à un traitement affectif particulier : davantage de câlins, de tolérance, moins de responsabilités, plus de « laisser-faire ». Ce privilège apparent peut avoir des effets ambivalents : il renforce le sentiment d’être aimé, mais peut aussi limiter la capacité à se confronter aux frustrations, à se sentir autonome ou légitime. Le petit dernier peut intérioriser une image d’enfant à ménager, à ne pas brusquer, voire à qui l’on n’accorde pas tout à fait la même crédibilité que ses aînés.
La comparaison avec les grands
Être le dernier, c’est aussi grandir dans l’ombre des premiers. Le petit dernier est souvent comparé, directement ou non, à ses frères et sœurs : « Tu n’es pas comme ton frère », « Ta sœur, à ton âge, faisait déjà ceci… ». Ces comparaisons peuvent affecter la confiance en soi, le sentiment de légitimité, le droit d’être différent. Pour certains, cela engendre une volonté de se démarquer ; pour d’autres, une tendance à rester dans un rôle d’enfant qu’on ne laisse pas grandir.
Un rôle à la fois confortable et enfermant
Le petit dernier peut devenir le confident des parents vieillissants, l’amuseur de la fratrie, celui qui ne fait jamais vraiment peur. Ce rôle peut être valorisant… mais aussi réducteur. Il peut conduire à une forme de dépendance affective, à une difficulté à s’affirmer comme adulte dans le regard familial. Certains petits derniers ont ainsi du mal à se libérer de cette place de « bébé de la famille », même une fois adultes, ce qui peut peser sur leur autonomie psychique ou sociale.
Se dégager du rôle, construire sa propre place
Comme pour toute place dans la fratrie, le rôle de petit dernier n’est pas une fatalité. Il influence, mais ne détermine pas. À l’âge adulte, il est possible de reconnaître ce que cette place a apporté, mais aussi de s’en détacher progressivement, pour inventer une trajectoire singulière. Cela passe par un travail d’élucidation : Quel regard les autres ont posé sur moi ? Qu’est-ce que j’ai cru devoir incarner ? Et aujourd’hui, que choisis-je d’en faire ? Reprendre la main sur son histoire familiale, c’est aussi sortir des rôles assignés pour devenir pleinement soi.